Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi se sont rencontrés à Rome pour
évoquer le sort des Tunisiens venus de Lamedusa. Ils ont demandé la
révision des accords de Schengen et le renforcement des frontières
extérieures. Mais toujours rien pour développer la Tunisie.
La Révolution de jasmin ne sent plus la rose. Du moins pour les
Européens. La chute du régime de Ben Ali a provoqué la fuite de
milliers de Tunisiens vers l’Union européenne et son espace Schengen
sans frontières. On compterait 25 000 migrants arrivés en Europe par
l’Île de Lampedusa en Italie. Rome, lassée de jouer les
gardes-frontières pour les 27, a octroyé des papiers à ces migrants
dans l’espoir qu’ils rejoignent vite la France, Selon les accords de
Schengen, les titres de séjour même attribués par Rome permettront en
effet à leurs titulaires de séjourner librement en France pendant 3
mois. Histoire de les faire partir au plus vite, les autorités
italiennes auraient même distribué des billets de trains gratuits aux
migrants selon RTL . On compte déjà 400 de ces migrants ayant trouvé
refuge dans un square du XIXe arrondissement de Paris. Une
manifestation de migrants a même eu lieu mardi. La France et l'Italie
s’étaient déjà écharpées sur cette question, Paris a d’ailleurs émis
des critères très stricts pour autoriser le séjour des migrants
possédant un titre de séjour italien, une cinquantaine de Tunisiens
dans ce cas ont déjà été refoulés.
Ils se sont d’ailleurs rencontrés mardi à Rome pour discuter du sujet.
Ils ont convenu de proposer à la Commission et au président du Conseil
Européen Herman Van Rompuy de réviser les accords de Schengen afin de
rétablir temporairement les contrôles aux frontières intérieures en cas
de fort afflux migratoire. « Nous disons qu'il n'y a aucune raison de
ne pas évoquer la clause de sauvegarde si un pays est défaillant à
garder les frontières des autres » a rappelé Nicolas Sarkozy à Rome.
Cette possibilité de contrôles temporaires existe déjà « en cas de
menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure », clause
utilisée en France suite aux attentats de 1995 ou lors du Sommet de
l’Otan à Strasbourg en 2009 et en Allemagne lors de la Coupe du Monde
2006 pour éviter l’arrivée de hooligans. A la base, il s’agit donc plus
d’une mesure face un péril imminent de sécurité plus qu’un palliatif
pour gérer un afflux de migrants économiques.
Dans leur lettre à la Commission et au Président du Conseil, la France
et l’Italie ont également proposé un renforcement des moyens de
l’agence Frontex, chargée de surveiller les frontières extérieures de
l’UE. Cette agence est actuellement soumise au bon vouloir des Etats
membres. Elle est censée éviter qu’un Etat aux frontières de l’Union se
retrouve seul face à une crise migratoire. C’est pourtant ce qui a été
le cas à Lampedusa malgré l’intervention de Frontex. Un isolement pris
en compte par Paris et Rome qui ont demandé « une plus grande
collaboration » avec les pays du sud de la Méditerranée. Le Conseil
européen de juin sera largement consacré au sujet.
Verrouillage
Prime des salariés: on commence par les boss du CAC 40 !
Rama Yade: Allons enfants de Sarkozie, le jour de trahison est arrivé!
Sarkozy supprime le bouclier fiscal... et ronge l'ISF Pour l’heure, la
stratégie choisie par Paris et Rome semble donc le verrouillage des
frontières tant intérieures que extérieures. Tous deux en difficulté
dans les sondages, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi ont besoin de
donner des gages de fermeté à leurs électorats respectifs. Mais d'un
autre côté, les deux dirigeants ne pouvaient remettre en cause Schengen
sans passer pour des souverainistes sur la scène européenne. D'où cette
solution intermédiaire. « Nous voulons que Schengen vive, et pour que
Schengen vive, Schengen doit être réformé », a d’ailleurs déclaré
Nicolas Sarkozy. Comme un ballon d’essai, la proposition française d'un
rétablissement des contrôles avait déjà fuité avant le Sommet,
entraînant un tollé politique.
Cela reste pourtant une solution de court terme. Le verrouillage ne
peut résoudre à lui seul la question migratoire et l’abolition des
frontières encore moins. Une aide aux pays d'origine est également
nécessaire pour s'attaquer au problème à la base : la pauvreté, le
chômage.... D'ailleurs, en 2007, Nicolas Sarkozy avait brandi sa
doctrine du co-développement pour réguler l'immigration en France. Mais
aujourd'hui, l’aide au développement de la Tunisie semble peu présente
des débats au profit de polémiques sur le nombre d’étrangers à
accueillir.
Ce discours simpliste, on le refuse même au PS. « On ne peut pas
refuser de soutenir financièrement le Maghreb et s’étonner des flux
migratoires », a tonné Jean-Christophe Cambadélis, chargé des relations
internationales, dans Libération. Il ajoute que la priorité doit aller
à « un Plan Marshall d’intervention pour cette région du monde », c’est
seulement ensuite que le socialiste évoque un « statut provisoire »
pour ces migrants. La doctrine de la rue de Solférino semble avoir
évolué, tout se passe comme si l’idée d’une France terre d’accueil dans
un monde sans frontières était déjà dépassée.
Radinerie
Et l’aide apportée par les Européens semble bien chiche pour l’instant.
Suite à la chute de Ben Ali, l’Union européenne avait déjà débloqué 17
millions d’euros en urgence. Une somme qualifiée de « ridicule » par le
ministre tunisien de l’Industrie Afif Chelbi .« L'Europe démontre de
cette manière ne pas avoir saisi la portée de l'événement historique
qui s'est produit sur la rive sud de la Méditerranée », a-t-il ajouté.
Un autre volet d’aide a été encore annoncé en mars par Bruxelles mais
ce n’est qu’une avance sur les 160 millions déjà attribués à la Tunisie
pour 2012-2013. Ces 160 millions pourraient être doublés après le 24
juillet, quand une Assemblée constituante sera élue. De son côté, la
Banque européenne d’investissement, qui dépend de l’UE, a accordé la
somme de 1,87 milliards d’euros à la Tunisie. Mais il s'agit de prêts
et non de subventions.
Du côté des Etats, on essaie aussi d’être généreux. La France a déjà
débloqué… 350 000 euros d’aide d’urgence. En déplacement la semaine
dernière à Tunis, Alain Juppé à promis une aide de 350 millions
d’euros... sur la période 2011-2012. Pour l’heure, il n'y a a donc pas
de Plan Marshall d'urgence digne de ce nom. Ce n’est pas étonnant dans
une Europe où la rigueur budgétaire semble devenue la règle. Fermer les
frontières devient alors une fuite en avant, une façon de ne pas voir
que cette émigration venant d'une Tunisie avant tout une contrainte
économique dans un pays encore déstabilisé par la chute de Ben Ali.
Cette stratégie un calcul à court terme, la répression d’une
immigration économique massive risque de coûter plus au final que
l’aide au développement des pays d’origine. La Commission a d’ailleurs
récemment dénoncé la radinerie des Etats membres, notamment la France à
ce sujet. Bruxelles semble soudain découvrir les bienfaits de la
dépense publique. Mais il reste aux Tunisiens de faire appel aux prêts
du FMI et d’appliquer en retour sa solution miracle : privatiser les
plages. La famille Alliot-Marie pourrait être intéressée.
Source: Marianne