Révélé par La Gazette, le scandale suscite
l’indignation des Sénégalais. Dans sa dernière livraison, l’hebdomadaire
La Gazette révèle l’achat par le président sénégalais Abdoulaye Wade
d’un terrain dans le quartier huppé de Ngor Virage payé 1,3 milliards de
francs CFA (près de 2 millions d’euros). Et, comme si cela ne suffisait
pas, le terrain a été payé en liquide... Le « Vieux », élu en 2000
contre la promesse d’un changement dans un pays profondément en crise,
n’en finit pas de décevoir ses concitoyens confrontés ces derniers jours
à une reprise des délestages.
Énième scandale politico-financier au Sénégal ! Selon la Gazette, le
chef de l’Etat s’est donc payé cash un terrain d’une superficie de 5435
m2 situé à un jet de pierre de l’océan pour la modique somme de 1 282
000 000 francs CFA. L’affaire se serait ébruitée quand l’ancien
propriétaire, un homme d’affaires sénégalais vivant au Gabon du nom de
Cheikh Ahmadou Amar, s’est présenté à la banque en novembre 2010 pour y
verser l’argent de la vente. Mais, dans le cadre de la lutte contre le
blanchiment d’argent, les institutions bancaires sont tenues d’alerter
la cellule nationale de traitement des informations financières du
Sénégal chaque fois qu’une somme déposée dépasse 6 millions de francs.
Contraint de se justifier sur l’origine de ce pactole, Cheikh Amadou
Amar aurait alors avoué avoir vendu un terrain au président Wade et
produit une pièce justificative sur laquelle est écrit : « Monsieur
Abdoulaye Wade, avocat, demeurant à Dakar Point E (…) a acquis de
Monsieur Cheikh Ahmadou, un immeuble non bâti sis à Dakar à Ngor virage,
d’une superficie de 5435 mètres carrés moyennant le prix principal de 1
milliard 182 millions 49 mille 660 francs Cfa. »
« L’achat de ce terrain pose problème parce que l’achat a été fait au
comptant, commente Fadel Barro, journaliste à La Gazette. Après nos
investigations, nous nous sommes rendu compte que même l’attestation qui
a servi à Monsieur Amar pour déposer l’argent à la banque pose
problème. Tout est organisé de manière à ce qu’il y ait une opacité
totale sur la provenance et la traçabilité de l’argent utilisé. » Le
reporter parle d’une « opération suspecte et douteuse ».
La Présidence confirme et n’y voit « pas de problème »
Interpellé vendredi sur la question en conférence de presse, le
porte-parole de la présidence, Serigne Mbacké Ndiaye, a confirmé les
dires du journal. « Le chef de l’Etat a acheté un terrain auprès d’un
autre Sénégalais, explique-t-il, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. »
Selon lui, « un journaliste d’investigation qui tombe sur cette affaire
peut considérer qu’il a trouvé quelque chose d’extraordinaire alors que
ce n’est rien du tout. »
Interrogé sur la provenance d’une telle somme
payée en liquide, Serigne Mbacké Ndiaye estime qu’il est « possible pour
le chef de l’Etat de s’acheter un terrain à un milliard en toute
légalité » évoquant l’utilisation des fonds politiques ou les ressources
probables d’autres membres de la famille. « L’achat du terrain à partir
des fonds politiques peut être un cas de figure, fait en toute légalité
et personne ne peut le contester, justifie le ministre conseiller. La
loi votée par les Sénégalais le lui permet. Ces fonds politiques
importants, votés par l’Assemblée nationale au vu et au su de tout le
monde, figurent dans le budget et n’ont jamais été contestés. » Avant
d’ajouter : « Si quelqu’un est au pouvoir depuis 11 ans et que chaque
année il bénéficie de fonds politiques, est-ce qu’il n’est pas possible
en multipliant par onze d’avoir 50 à 60 milliards de francs ? »
Face aux explications de la Présidence, la presse privée et l’opposition
restent plus que sceptiques. L’opposant Amath Dansokho dénonce « une
transaction mafieuse ». Pour le quotidien Kotch, il s’agit là d’une «
mégatransaction immobilière qui suinte bon le blanchiment d’argent ».
Titré « Wade organise son impunité », le journal ajoute : « on comprend
maintenant sa hâte et sa volonté de vouloir rendre l’actuelle loi
réprimant ce délit moins contraignant. Wade veut sauver ses arrières. »
Le quotidien fait référence à une décision prise récemment en Conseil
des ministres de modifier la loi sur le blanchiment d’argent. Celle-ci
oblige pour l’instant le procureur de la République à saisir un juge
d’instruction dès réception d’un dossier d’enquête émanant de la Cellule
nationale de traitement des informations financières. Le Procureur
pourrait bientôt être autorisé à classer le dossier sans suite.
Entre boulimie foncière et gestion douteuse des deniers publics,
l’affaire suscite l’indignation des Sénégalais et pose une fois de plus
la question du bien fondé et de l’utilisation des fonds politiques. Lors
d’un meeting à Ziguinchor il y a quelques jours, le Premier ministre,
Souleymane Ndéné Ndiaye avait cru bon de raconter que le président
rétribuait ses partisans à coups de dizaines de millions de francs CFA. «
Pendant presque dix ans, Landing Savané a reçu de mes mains ou des
autres collaborateurs du président de la République 30 millions de
francs CFA (45000 euros) tous les mois », avait-il lancé dans le but de
salir un ancien allié passé récemment à l’opposition.
Des propos qui avaient édifié les Sénégalais sur les largesses de leur président et provoqué un tollé. Pour minimiser l’affaire, le maire de Ziguinchor, par ailleurs ministre des mines, Abdoulaye Baldé, avait précisé : « ce sont des fonds politiques, et plusieurs partis ont bénéficié de cette manne financière. Landing n’est ni le premier, ni le dernier. » Il semblerait qu’au Sénégal, les membres du gouvernement ignorent que les fonds politiques restent avant tout de l’argent public.
Source: Afrik.com