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Titre du blog : Fédération P.D.G. République Fédérale d´Allemagne
Auteur : ujpdg-allemagne
Date de création : 18-01-2011
 
posté le 06-06-2011 à 13:24:28

Les militaires sèment la terreur au Burkina

Comme des voyous, des militaires viennent de terroriser Bobo-Dioulasso. Depuis trois mois, le Burkina est secoué par des mutineries à répétition et le gouvernement semble totalement dépassé.

 

Le cinéaste burkinabè Boubakar Diallo ne faisait pas œuvre anachronique en réalisant, en 2006, le western L’or des Younga. Car le Burkina Faso est devenu un Far West sans foi ni loi. En ce début juin 2011, d’ailleurs, c’est bien dans le grand Ouest que règne la loi du colt.

 

Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, des coups de feu résonnent à Bobo-Dioulasso, la deuxième agglomération du Burkina Faso, considérée comme la capitale économique. Des militaires armés quittent la caserne Ouezzin Coulibaly et se dirigent vers le centre-ville, avant d’investir des quartiers comme Belle-Ville, Sarfalao ou Koko. Sur leur passage, ils terrorisent la population, dévalisent et saccagent des magasins. Les coffres-forts sont vidés. Les matelas, cyclomoteurs ou réfrigérateurs sont emportés. Des munitions sont parfois abandonnées sur place.

 

Dans la journée du mercredi 1er juin, Bobo ressemble à une ville fantôme. Les commerçants maintiennent leurs locaux fermés en attendant que la situation se calme.

 

Dans la soirée, le gouverneur de la région des Hauts-Bassins instaure un couvre-feu qui s’étend de 18h à 6h du matin «jusqu’à nouvel ordre». Rien n’y fait. Pour la deuxième nuit, les pistoleros en treillis continuent leur basse besogne. A motos ou à pied, ils bloquent la majorité des rues conduisant à leur garnison. Ils tentent de pénétrer l’antenne locale de la radio-télédiffusion publique. Les journalistes réussissent à s’éclipser en débranchant l’émetteur. Vendredi matin, le 3 juin, la confusion est totale. Les coups de feu continuent. Les habitants tentent, tant bien que mal, de s’approvisionner en produits de première nécessité.

 

Mais les banques, les commerces et les stations-services sont toujours fermés. Au bord de la route, il faut débourser 2.000 francs CFA (3,05 euros) pour acquérir un litre de carburant habituellement vendu 695 francs (1,05 euro).

 

En deux jours, les centres de santé, notamment l’hôpital Souro Sanou, auraient accueilli près de soixante blessés. Une femme enceinte a reçu une balle perdue dans le poignet. Une adolescente est décédée.

 

Revendications militaires en tous sens

Les mutins bobolais réclamaient des indemnités de logement et de formation pour les éléments du Centre d'instruction des troupes aéroportées (Citap). Ces manifestations faisaient écho à celles qui s’étaient déroulées, la semaine précédente, dans les villes de Dédougou, Kaya, Dori, Garango et Tenkodogo. Elles s’inscrivaient, plus largement, dans les remous qui secouent le Burkina Faso depuis trois mois. Le 22 mars, déjà, des militaires investissaient les rues de la capitale Ouagadougou.

 

Au niveau national, le désordre est patent. Pour peu qu’ils arrivent à formuler leurs revendications –ce qui n’est pas le cas dans toutes les garnisons du pays–, certains hommes de tenue réclament des indemnités de logement pour des périodes où ils étaient logés en caserne. D’autres exigent des «primes d’honneur», quand bien même il n’est pas dans leurs attributions de rendre les honneurs. L’argument du mépris de la hiérarchie peut-il tenir, quand l’ensemble des responsables a été renouvelé, à l’exception du chef d’état-major particulier de la présidence Gilbert Diendéré?

 

Robert Ménard, alors secrétaire général de Reporters sans frontières et membre de la commission d’enquête indépendante sur l’assassinat du journaliste burkinabè Norbert Zongo, avait été expulsé du Burkina, en 1999, pour avoir qualifié certains hommes de tenue de «voyous». Aujourd’hui, en off, c’est une frange des militaires qui qualifie ses collègues de crapules ou de vauriens. L’incivisme atteint son paroxysme dans une armée déjà trop présente dans la vie politique du Burkina Faso, depuis une cinquantaine d’années.

 

Les troupes burkinabè sont pourtant reconnues pour leurs compétences. Funeste compétence perçue dans certains conflits sous-régionaux de la fin du XXe siècle. Compétence louée, de nos jours, dans des régions comme le Darfour où des observateurs militaires burkinabè font la fierté de leur pays.

Y a-t-il véritablement «une» armée? La troupe voit cohabiter des experts et des soudards. Depuis mars, les forces de l’ordre ressemblent à des bandes armées aux intérêts égoïstes. On ne distingue aucun mouvement social coordonné auquel la population pourrait adhérer; même si les militaires de Bobo prétendent avoir terrorisé les rues par soutien à leurs compagnons d’autres villes. Ils auraient eu peur qu’on les traite de «traîtres». Le ridicule tue moins que les balles perdues…

 

Le gouvernement perd la main

Bien sûr, comme le dit une comptine bien connue des petits enfants d’Afrique de l’Ouest, «le renard passe, passe / chacun a son tour chez le coiffeur». Les militaires n’ont pas été les seuls à manifester depuis le mois de mars. Mais les civils savent faire leur tour de piste et rentrer dans le rang. Il en est ainsi des enseignants du secondaire qui, après 72 heures de grève, ont repris les cours pour mener à bien les examens de fin d’année. L’image des militaires, elle, est durablement écornée dans l’opinion. Déjà que l’armée est jugée inutile par beaucoup qui ne voient dans les recrutements qu’un stratagème pour tasser les chiffres du chômage. Qui, au Faso, a vraiment besoin de soldats, si ceux-ci contribuent plus à l’insécurité qu’au maintien de l’ordre?

 

Les civils n’en peuvent plus des humeurs kaki. A Bobo-Dioulasso, certains ont eu le courage de manifester dans certaines artères en scandant «militaires voleurs!». Dans la matinée du 2 juin, les commerçants vandalisés saccageaient la mairie centrale et la direction de la Douane. Certains tentaient même d’organiser une marche sur le camp Ouezzin Coulibaly.

 

Comme dans un western où les desperados imposent leurs règles à des citoyens médusés, on en vient à oublier que le Faso est un Etat de droit. Quid du gouvernement? Lorsque la grogne de la population n’incrimine pas directement les militaires, elle décoche des flèches aux dirigeants du pays. La purge gouvernementale d’avril a-t-elle conduit à une meilleure prise de responsabilités?

 

Le 1er juin au soir, c’est un nouveau porte-parole du gouvernement, le ministre Alain Edouard Traoré, la voix étranglée, qui peinait à dissimuler l’impuissance du pouvoir politique: «L’état-major ne sait plus avec qui discuter (…) nous sommes en train de réfléchir sur la conduite à tenir…» On tirait dans les rues d’une République depuis trois mois, et on en était encore à se demander ce qu’il y aurait lieu de faire. Evidemment, pour n’avoir pas sanctionné les premiers militaires à la gâchette facile, le gouvernement semblait illégitime à taper du poing sur la table.

 

Médecin après la mort, ne pouvait-il que payer les pots cassés en dédommageant les victimes de pillage? Déjà, avant la fin de la crise bobolaise, le gouverneur de la région de Bobo annonçait des «mesures compensatoires».

 

Les militaires avaient alors beau jeu de provoquer leurs autorités. N’est-ce pas juste après la visite du nouveau chef d’état-major des armées, le général Honoré Traoré, à Dédougou, que les armes ont commencé à y crépiter? Les militaires bobolais n’ont-ils pas mis la ville sens dessus dessous, à peine le nouveau Premier ministre y était venu faire des promesses? Au Faso, on appelle ça des «foutaises»

 

La garde présidentielle au front

A l’approche du premier week-end de juin, tout de même, la cravate cède la place aux épaulettes. C’est un homme en tenue qui communique au journal télévisé. Le porte-parole du ministère de la Défense assène des évidences comme «voler est illégal». Il aurait pu ajouter que «tuer est méchant» et que «saccager n’est pas des plus sympathique».

 

Au-delà des mots intransigeants, la frange la mieux formée du pouvoir militaire se met en branle. Vendredi 3 juin au matin, les éléments du Régiment de la sécurité présidentielle, les militaires les mieux équipés du pays, fondent sur Bobo-Dioulasso. Appuyés par des parachutistes commandos et la gendarmerie de Bobo-Dioulasso, ils répriment la mutinerie par la force, encerclant le camp Coulibaly et traquant les indisciplinés fuyards.

 

Dans la soirée, la situation était sous contrôle. Une cinquantaine d’arrestations auraient été effectuées et du matériel volé serait en voie de récupération. Dix-huit personnes, dont neuf soldats, auraient été blessées au cours des combats. Six militaires sont décédés.

 

Le western a-t-il connu son happy end? Certes, la cavalerie est arrivée. Mais n’est-ce pas la cavalerie qui, le 15 avril, se mutinait au palais présidentiel?

Sidwaya, le quotidien public rarement critique à l’égard du pouvoir, appelait, dans son édition du 3 juin, à «de profondes et indispensables mutations» dans les forces militaires et paramilitaires burkinabè. Mais par quel bout prendre le problème? Faudra-t-il que des garnisons jalouses s’affrontent les unes après les autres? Maintenant que la fronde semble avoir fait le tour du territoire national, Ouagadougou bruisse déjà de rumeurs de nouvelles hostilités.

 

Le shérif de ce western, Blaise Compaoré, pourra-t-il ramener durablement le calme parmi les troupes? Qui, sinon lui qui est à la fois l’un des leurs (capitaine retraité), leur chef suprême (président du Faso) et leur ministre de tutelle (de la Défense et des anciens combattants)? He’s a poor lonesome cowboy

 

Source: Slate Afrique