Fédération P.D.G. République Fédérale d´Allemagne

Réprésentation du Parti Démocratique Gabonais en Allemagne

posté le 27/06/11

La diaspora congolaise et la révolution du Ndombolo

La musique adoucit les mœurs, dit-on. Le rythme endiablé du Ndombolo altéreraient la conscience politique d’une population congolaise essoufflée par 32 ans de dictature, 15 ans de guerre, le tout couronné par une corruption endémique et une quasi-absence d’État.

 

Si le vent de révolte qui souffle sur le Maghreb a visiblement du mal à traverser le Sahara, l’onde de choc provoquée par les mouvements sociaux de ces derniers mois dans la partie nord du continent africain inspire les communautés congolaises dans différents pays européens.

 

Tout part d’un appel au boycott lancé par un certain «collectif de la surveillance de l’éthique et de la morale», un groupe d’immigrés congolais, pour la plupart réfugiés, vivant un peu partout en Europe. Principale revendication: désapprouver le double jeu auquel se livreraient les grands ensembles musicaux du pays. Ces derniers seraient payés par le pouvoir pour apaiser la population, afin d’éviter l’insurrection.

Le 19 février 2011 à Paris, les artistes Papa Wemba et Werrason sont interdits d’accès à l’Elysée Montmartre par des manifestants, alors qu’ils doivent faire un concert prévu de longue date. Le 5 mars à Bruxelles et le samedi 12 mars à Genève, Werrason se voit également bloquer l’accès aux salles dans lesquelles il doit se produire. Même scénario au Zénith de Paris où Fally Ipupa doit faire face à une bataille rangée entre ses fans et des partisans du boycott. La police Intervient alors pour rétablir le calme. Le concert n’aura finalement pas lieu.

Plusieurs autres concerts et certaines rencontres religieuses ont été annulés, dans les jours qui ont suivi la révolution tunisienne, à Paris, Bruxelles et dans d’autres villes européennes. Pour cause, les rapports jugés ambigus entre hommes politiques et certaines stars congolaises.

 

Griots propagandistes au service du pouvoir

«Je suis en France pour fuir la misère et la guerre au Congo, rappelle Jonas Mbangu, membre du fameux collectif. Je ne vois pas pourquoi nous devrions payer des disques ou des places de concert pour donner de l’argent à ces musiciens grassement payés par les hommes politiques pour faire danser la population qui croupit dans la misère.»

 

«Si la musique du pays est désormais jugée indécente par mélomanes de la diaspora, c’est à cause de la politisation de ses acteurs, incapables d’aborder les vrais problèmes de la société. Nos artistes s’improvisent griots et propagandistes. Lorsqu’ils ne font pas l’apologie du régime du président Joseph Kabila, ils observent une neutralité complice», ajoute-t-il.

La longue crise congolaise a donné naissance au commerce des chansons dédicacées, qui est désormais le principal gagne-pain des artistes. Premiers clients de ce marché, les émigrés se font désormais voler la vedette par les hommes politiques, de plus en plus friands des «mabanga», surtout en période électorale.

Vainqueur de l’élection présidentielle de 2006 et actuel président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila a su se servir de l’audience des grandes stars de la musique. En pleine campagne électorale, le camp du président-candidat organise une rencontre avec tous les ténors de la musique congolaise. Ces derniers se précipitent tous en studio dans les jours qui suivent, et appellent à voter pour celui qui se présente alors comme «l’artisan de la paix». C’est suite à des désaccords quant au partage du butin que l’opinion congolaise apprendra que l’appel unanime à voter pour le candidat Kabila n’était pas désintéressé.

 

Une réunion du même type rassemblera par la suite les dirigeants des principales églises évangéliques. Résultat: certains de ceux que les Congolais nomment affectueusement «hommes de Dieu» appellent à leur tour à voter pour Joseph Kabila. Pari réussi, ce dernier sera réélu à la tête d’un Congo qu’il dirige déjà depuis l’assassinat de son père en 2001.

 

Réponse du berger à la bergère

«Seuls les Congolais présents sur le territoire national pourront voter lors des prochaines élections» en novembre 2011, stipule la nouvelle loi sur l’organisation des élections, adoptée par une majorité des parlementaires. Une exclusion perçue comme une réponse musclée du pouvoir face à l’insubordination de la diaspora.

 

Si les Congolais de l’étranger sont supposés prendre l’avion pour aller s’enrôler et ensuite remplir leur devoir civique, les candidats potentiels sont également visés par le texte. Pour être éligible, tout candidat doit produire une attestation de sa situation fiscale des deux derniers exercices. Cela revient à devoir résider en RDC pour prétendre à des fonctions politiques.

 

L’utilisation très limitée des réseaux sociaux, conséquence d’une faible pénétration d’Internet en RDC, est la principale entrave à l’exportation du mouvement de protestation qui agite actuellement la diaspora. La RDC est l’un des derniers pays africains à ne pas être connecté par fibre optique. Le coût très élevé des connexions satellite fait qu’Internet reste inconnu au sein des classes populaires. Très peu présents sur Facebook et Twitter, la plupart des jeunes ignorent tout de ces outils qui ont joué un rôle déterminant dans les révoltes au Maghreb.

 

Difficile à ce stade d’espérer que la protestation atteigne le territoire congolais. Mais patience. Internet finira bien par se démocratiser, même si la RDC tergiverse encore dans la mise en œuvre du projet West Africa Cable System (WACS). Le câble sous-marin de fibre optique déployé par l’opérateur MTN est déjà arrivé à Muanda, sur le littoral de l'océan Atlantique. Il ne reste plus qu’à attendre l’arrivée du réseau dans les ménages. Et après quelques années d’apprentissage, le vent venu du Maghreb et qui a tendance à souffler vers le nord, changera peut-être de direction pour atteindre le cœur du continent noir. Wait and see…

 

Source: Slate Afrique

 


 
 
posté le 27/06/11

Rwanda: Pauline Nyiramasuhuko, le visage féminin du génocide

Après dix ans de procès, Pauline Nyiramasuhuko a été condamnée à la prison à perpétuité pour génocide et crimes contre l’Humanité. Retour sur le parcours de cette ex-ministre, coupable d’incitation aux massacres et aux viols lors du conflit rwandais.


Pauline Nyiramasuhuko est la première femme à être condamnée pour génocide par une cour internationale. Ministre de la Famille et de la Protection féminine rwandaise, au moment du génocide – entre avril et juillet 1994 – au cours duquel 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été tués, elle a poussé les miliciens hutus aux massacres et aux viols dans sa province d’origine le Butare. Elle a été condamnée à une peine de prison à perpétuité.

En 2001, interviewé par une chercheuse canadienne, son avocat la qualifiait de "mère-poule" et de "femme très agréable". La placide Rwandaise aux cheveux tirés qui a comparu entre 2001 et 2011 dans le box des accusés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha, en Tanzanie, s’est révélée, au fur et à mesure des témoignages, d’une cruauté à faire froid dans le dos.

"Elle disait aux gens de tuer les hommes et de violer les femmes", affirmait notamment un témoin en 2003 au cours d’une audience devant le TPIR. "C’est elle qui donnait les ordres", déclarait un autre, cité par RFI en 2005. Dans un long et épouvantable témoignage paru dans "Libération" ce vendredi, Rose raconte l’horreur. Son mari lapidé, sa fille de deux ans torturée puis tuée, les viols qu’elle a subis pendant trois mois. "Je ne comprends pas qu’une femme qui a donné la vie ait pu inciter des gens à violer d’autres femmes, lâche-t-elle. Il s’agissait d’éliminer les Tutsis physiquement mais aussi psychologiquement".

De la campagne rwandaise au gouvernement de Kigali

En 1994, au moment du massacre, Pauline Nyiramasuhuko est une influente personnalité du gouvernement hutu. À 48 ans, elle affiche alors un parcours exemplaire. Originaire de Ndora, une petite ville de la province de Butare dans le sud du Rwanda, elle naît en 1946 dans une famille de paysans modestes. Après l’école primaire, la jeune Pauline poursuit son collège à l’École sociale de Karubanda. Elle y fait une rencontre déterminante pour le reste de sa carrière : Agathe Kanziga, qui deviendra la femme du général putschiste Juvénal Habyarimana, au pouvoir jusqu’à son assassinat en 1994.

Quelques années plus tard, Pauline suit son amie jusqu’à Kigali, où elle est embauchée au ministère des Affaires sociales. Elle est alors âgée de 22 ans. Petit à petit, et grâce à l’appui d’Agathe Kanziga, Pauline Nyiramasuhuko gravit les échelons administratifs jusqu’à devenir inspectrice nationale au sein de ce même ministère. Entre-temps, elle épouse Maurice Ntahobali, qui devient peu après président de l’Assemblée nationale rwandaise, puis ministre de l’Éducation supérieure et recteur de l’Université de Butare.

En 1986, l’ambitieuse jeune femme reprend ses études. Elle s’inscrit à la faculté de droit à l’Université de Butare et décroche une licence de droit quatre ans plus tard. Engagée depuis plusieurs années au sein du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), le parti de Juvénal Habyarimana, elle s’impose peu à peu comme l’un des leaders du parti. En 1992, elle est nommée ministre de la Famille et de la Protection féminine. C’est l’une des premières femmes à gérer un portefeuille ministériel au Rwanda.

En avril 1994, le pays s’enfonce dans l’horreur. Partout, les Tutsis et les Hutus modérés sont massacrés, sous les encouragements des autorités de l’époque. Partout, sauf dans la province de Butare, où vit une majorité de Tutsis du Rwanda qui cohabitent depuis toujours pacifiquement avec les Hutus. Le préfet de la province, lui-même tutsi, s’acharne à maintenir le calme sur son territoire. Et il y parvient pendant une quinzaine de jours, jusqu’à ce qu’il soit limogé, arrêté et vraisemblablement assassiné. Désignée par le gouvernement pour assurer une "mission de sécurité" à Butare, Pauline Nyiramasuhuko fait du nettoyage ethnique dans sa province une affaire personnelle. Selon l’acte d’accusation du TPIR, elle va jusqu’à demander au nouveau préfet de Butare de lui fournir une assistance militaire pour effectuer les massacres dans sa commune d’origine.

Le viol comme arme de guerre

Le 25 avril, elle assiste au massacre de milliers de Tutsis, rassemblés dans un stade dans la ville de Butare. Selon plusieurs témoins, elle aurait incité les miliciens interahamwe (Hutus extrémistes), dont son propre fils, à violer les femmes avant de les tuer. Pour la ministre, les femmes tutsies sont des "récompenses" pour les miliciens. En tout, selon des estimations d’organisations humanitaires, 250 000 femmes auraient été violées. Souvent torturées, parfois tuées, la plupart du temps condamnées à une mort lente. Selon des chiffres donnés en 2001 par le New York Times, 70% des femmes violées pendant le génocide auraient contracté le virus du sida. "Nous savions que le gouvernement faisait sortir des malades du sida des hôpitaux pour former des bataillons de violeurs", affirme ainsi l’actuel président rwandais Paul Kagame, cité par le New York Sun.

"Sans Pauline Nyiramasuhuko [et ses cinq co-accusés dont son fils], le génocide n’aurait pas été possible à Butare", assurait la représentante du procureur du TPIR, Holo Makwaia en 2009. "Pauline Nyiramasuhuko n’était pas seulement une grande figure [de Butare] ; elle a été impliquée dans les massacres et les viols qui ont été commis dans sa province. Au lieu de protéger les familles comme le stipulait son poste de ministre, elle a décidé de les exterminer", conclut la magisrate.

En juillet, face à l'offensive du Front patriotique rwandais, Pauline se réfugie à Bukavu, dans l’est de l’actuelle République démocratique du Congo. Elle est arrêtée au Kenya en juillet 1997. Le procès du "groupe de Butare", impliquant six personnes dont son fils est entamé le 12 juin 2001. Il aura duré 10 ans.

 

Source: France 24

 


 
 
posté le 24/06/11

Les six femmes les plus influentes d'Afrique

Elles occupent toutes les sphères d'activités. Le succès de la carrière de ces Africaines en font des personnalités incontournables sur le continent.

 

Bineta Diop, l’arme de la paix du Sénégal

L’essentiel de sa carrière s’est jusqu’ici effectuée dans l’ombre. Avant d’être mise sous les feux des projecteurs en avril 2011, lorsque le magazine Time la classe parmi les 100 personnalités les plus influentes dans le monde, la Sénégalaise Bineta Diop était davantage connue des milieux diplomatiques.

 

Elle était surtout engagée auprès des femmes dont elle se bat pour la protection en périodes de conflits en Afrique. Femme de l’ombre mais très impliquée dans des initiatives en faveur de la paix sur le continent, au travers de son ONG Femmes Africa solidarité (FAS).

 

Sa préoccupation: intégrer les femmes dans les processus de paix et la résolution des conflits. C’est ce qu’elle a fait au Burundi et en République démocratique du Congo, mais aussi dans toutes les zones sensibles (Darfour, Sierra-Leone, Rwanda, Tchad, Soudan). C’est ce qu’elle continue de faire dans des pays en post-conflits, comme le Liberia, où a elle a dirigé des équipes d’observateurs lors des élections. C’est encore ce qu’elle a fait en 2004, quand elle a usé de tout le poids de son influence pour amener les chefs d’Etat de l’Union africaine (UA) à appliquer le principe de parité  (PDF) dans l’élection des cinq commissaires femmes sur les dix que compte l’organisation:

«Ce sont les femmes qui subissent la violence des conflits et ce sont elles qui reconstruisent et qui font le travail de réconciliation. C’est pour cela que les femmes doivent faire entendre leurs voix lors des négociations.»

Tel est le message qu’elle porte dans toutes les instances décisionnelles dont elle ouvre les portes. C’est ce qu’elle a déclaré au Conseil de sécurité des Nations unies où elle a été la première femme à intervenir sur le rôle des femmes dans la résolution des conflits.

 

Native de Guéoul, dans le nord-ouest du Sénégal, Bineta Diop semble tenir cette fibre féministe et cette passion pour l’action diplomatique de son histoire familiale. Sa mère est une militante féministe de la première heure. Elle même passe son bac à Addis Abeba en Ethiopie à l’âge de 19 ans, le siège des institutions africaines où son mari est diplomate. Et c’est à Genève en Suisse alors qu’elle travaille depuis 1981 comme juriste internationale qu’elle créera, 15 ans plus tard, le FAS.

 

Wangari Maathai, la Kényane qui parle aux arbres

Wangari Maathai est première en tout. Première dans sa famille à être scolarisée, elle est aussi la première Kényane à décrocher un doctorat. La première encore à diriger une faculté, la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Nairobi au Kenya, lorsqu’elle revient de ses études aux Etats-Unis. Elle est surtout la première africaine à obtenir le très prestigieux prix Nobel de la paix, en 2004, pour «sa contribution en faveur du développement durable, de la démocratie et de la paix».

 

Ces trois concepts résument l’idéal pour lequel s’est toujours battue cette femme de 71 ans, née dans une famille de fermiers de l’ethnie kikuyu, sur les hauteurs des White Highlands, au Kenya. Lorsque commencent à se poser les problèmes de déforestation dans son pays, Wangari Maathai est, cette fois encore, l’une des premières à flairer le danger. Et surtout la première à agir: elle fonde en 1977 le Green Belt Movement, le mouvement de la Ceinture verte, et commence par planter modestement sept arbres.

 

Soutenu par les femmes, le Green Belt Movement a réussi à planter 30 millions d’arbres en trente ans afin de prévenir l’érosion des sols, devenant ainsi le plus grand projet de reboisement en Afrique. Et la militante écologiste a gagné un surnom: «tree woman», la femme des arbres.

«Nous n’avons le droit ni de fatiguer ni de renoncer», aime à dire Wangari Maathai pour qui l’écologie, le féminisme, la politique, la lutte pour la paix et contre la pauvreté veulent dire la même chose.

 

Elle est aussi connue pour son tempérament de feu, qui lui valut d’ailleurs d’être plusieurs fois emprisonnée sous la présidence de Daniel Arap Moi (de 1978 à 2002). On raconte par exemple que son mari, dont elle divorce en 1979, avait affirmé au juge qu’elle avait un trop fort caractère et qu’il était incapable de la maîtriser. Sa liberté de ton et son engagement pour la survie de la planète font aujourd’hui référence et inspirent les femmes.

 

Ngozi Okonjo-Iweala, l’executive woman du Nigeria

Tous les observateurs du monde s’accordent pour dire que Ngozi Okonjo-Iweala a bien fait bouger les lignes et bousculé les habitudes au Nigeria. L’actuelle directrice générale de la Banque mondiale est certainement sur le chemin du retour à Abuja. Celle que l'on surnomme dejà la tsarine de l'économie est en passe d'être nommée ministre de l'Economie et des Finances par le président Goodluck Jonathan.

 

Les négociations entre le chef de l'Etat nigérian et Ngozi Okonjo semblent avoir abouti puisque la directrice générale de la Banque mondiale exigeait, pour intégrer la nouvelle équipe gouvernementale, de disposer de pouvoirs exécutifs très étendus.

 

Cependant, la très possible nomination de Ngozi Okonjo inquiète les proches collaborateurs du président, vu la rigueur de la dame et sa réputation de forte tête. Elle s'est fait connaître lorsque l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo lui propose en 2003 d’occuper le poste de ministre des Finances.

 

Ngozi Okonjo-Iweala engage alors une croisade contre la pauvreté et la corruption dans son pays, peuplé de près de 120 millions de personnes, avec une série de réformes pour assainir les finances publiques. Objectif affiché:  

«Faire en sorte que les revenus du pétrole soient bien investis dans le développement des infrastructures, de l’éducation et de la santé.»

Pour ce faire, elle réduit les subventions au secteur pétrolifère, met en place un système antifraude pour traquer les fonctionnaires véreux et exige un rapport de comptes sur les dépenses du gouvernement. Dès lors, on ne parle que d’elle au Nigeria —et ailleurs. La ministre venue de la Banque mondiale ne se fait pas que des amis, mais se fait élire «héros de l’année» en 2004 par le magazine Time, à qui elle confie:  

«Mon but est de servir mon pays avec ce que j’ai appris.»

De fait, sa formation au très prestigieux Massachussetts Institute of Technology (MIT) et sa carrière de près de 20 ans au sein du groupe de la Banque mondiale lui ont permis de mener les négociations qui ont conduit, en 2006, à l’annulation de deux tiers de la dette nigériane (soit 18 milliards de dollars sur 30) auprès du Club de Paris, un groupe qui réunit les principaux créanciers de la planète.

 

Ellen Johnson-Sirleaf, la dame de fer du Liberia

Le 17 juin 2011, la présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf, était à l'honneur à Dakar (Sénégal). Elle recevait l'African Gender Award, un prix d'excellence, créé en 1996 par l'ONG Femmes Africa Solidarité. Ellen Johnson Sirleaf était ainsi récompensée pour son action et son engagement en faveur des droits des femmes.

 

Avant même son accession à la magistrature suprême au Liberia en 2006, Ellen Johnson Sirleaf s’était déjà taillé une réputation de femme à poigne. Figure emblématique dans ce pays ravagé par des années de guerre civile, elle fut ministre des Finances sous la présidence de William Tolbert, tué lors d’un coup d’Etat mené en 1980 par Samuel Doe.

 

Sa formation d’économiste et sa perspicacité de femme politique lui permettent de s’engager dans la défense des droits de ses concitoyens.

 

Elle approuve, un temps, le coup d’Etat de Samuel Doe contre un régime qui avait fini par museler les ethnies locales, avant de critiquer fortement la dictature militaire qui s’installera dans le pays. Ellen Johnson est emprisonnée, puis exilée. Une période au cours de laquelle elle soutient le chef de guerre Charles Taylor.

 

Déjà candidate en 1997 contre ce dernier, elle remporte l’élection de 2006 face au Ballon d’or africain George Weah, et s’engage à «vaincre la destruction physique et la décadence morale qui ont suivi 15 ans de guerre civile.» Les femmes et les Africains voient dans l'accession de la première africaine à la magistrature suprême un signe de renouveau et d’espoir, même si «Mama Ellen» ne promettait en prêtant serment, «ni l’abondance ni le miracle, tout juste l’effort».

 

Were Were Liking, la mystique Camerouno-Ivoirienne

Elle a formé des générations et des générations d’artistes, toutes disciplines confondues. Aujourd'hui, Were Were Liking est considérée par nombre d'Africains comme une "légende". Née en 1950 au Cameroun, cette dramaturge et metteur en scène s’installe en 1978 en Côte d’Ivoire, dont elle prend aussitôt la nationalité. Après des travaux de recherche en traditions esthétiques négro-africaines, elle crée le village Ki-Yi M’bock dans le quartier de la Riviera II à Abidjan.

 

Un espace culturel multidisciplinaire, dont elle fait le laboratoire de sa production artistique. Elle accueille des jeunes déshérités à qui elle donne un avenir dans la musique, la danse, le théâtre ou les arts plastiques. Elle accueille pour des stages et des résidences de nombreux jeunes comédiens africains désireux de se forger une carrière professionnelle.

 

Dès ses débuts au milieu des années 80, le village Ki-Yi devient vite une référence. Were Were Liking est surnommée la «reine-mère» et côtoie les plus grands d’Afrique. Sa voix compte dans les milieux internationaux de l’art. Sa production littéraire est immense: une dizaine de pièces de théâtre, autant de romans et de nouvelles, des recueils de contes et de poésie, et des spectacles qui ont fait le tour du monde. Ses créations mêlent volontiers textes, musique et danse tout comme ses publications associent poésie, roman et théâtre.

 

Cette figure majeure de l’esthétique du théâtre rituel et initiatique n’est pas en odeur de sainteté avec la politique pour laquelle elle dit afficher un mépris souverain. On l’a peu entendue durant les événements en Côte d’Ivoire en début d'année 2011. Et avant l’escalade de la violence dans le pays, l'artiste panafricaniste a réitéré le peu de confiance qu’elle avait pour les hommes politiques:

«Même si Jésus descendait sur terre pour créer un parti, je ne le soutiendrais pas parce qu’il va échouer comme les autres », déclarait-elle en décembre 2010 lors du troisième Festival mondial des arts nègres à Dakar, au Sénégal.

 

Angélique Kidjo, la Béninoise globe-trotter

Elle est l’une des rares chanteuses africaines à crouler sous le poids des prix et des distinctions à travers le monde. Depuis qu’elle a commencé sa carrière internationale au début des années 80 en France, la chanteuse béninoise Angélique Kidjo a été primée une trentaine de fois, dont deux aux célèbres Grammy Awards pour «meilleur album des musiques du monde».

 

Née pratiquement en même temps que l’indépendance du Bénin (ex-Dahomey) en 1960, la chanteuse s’initie aux arts dans la troupe de théâtre que dirige sa mère, puis se fait connaître, encore adolescente, en interprétant à la radio nationale une chanson à succès de la diva sud-africaine Miriam Makeba.

 

Les troubles incessants que connaît alors le Benin la poussent à tenter une carrière à l’étranger. Et le succès ne se fait pas attendre.

 

Angélique Kidjo se fait remarquer par la diversité de ses influences musicales et l’originalité de ses clips. Plusieurs de ses chansons sont longtemps restées au sommet des hits mondiaux, comme Agolo, We We, ou encore Batonga. La BBC l’inclut dans sa liste des 50 icônes du continent africain, et pour le magazine Time, elle est n’est ni plus moins que «la Première diva africaine». Le Guardian complète le tableau en la faisant figurer dans son classement des 100 femmes les plus influentes du monde.

 

Une notoriété certes, et surtout un talent qui permet à l’artiste de promouvoir la richesse de la musique africaine à travers le monde. Mais aussi de défendre la promotion des femmes, à travers la fondation Batonga qu’elle a créée pour soutenir l’éducation des jeunes filles sur le continent. Angélique Kidjo est d’ailleurs ambassadrice de bonne volonté du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) depuis 2002. Elle fait  aussi campagne pour le commerce équitable

 

Source: Slate Afrique

 

 


 
 
posté le 24/06/11

Sénégal: la révolution des cacahuètes

La rue sénégalaise a eu raison en quelques heures d’une réforme constitutionnelle perçue comme une «monarchisation» du pouvoir au profit du président Abdoulaye Wade et de son fils. La société civile sénégalaise a fait la preuve de sa maturité et montré la voie au reste du continent.  

 

La «Peanut Revolution», révolution des cacahuètes, comme l’ont déjà surnommée certains commentateurs, a commencé à Dakar. En quelques heures, jeudi 23 juin 2011, la rue a fait plier le régime du président Abdoulaye Wade, 85 ans, au pouvoir depuis 2000. La paisible capitale dakaroise s’est transformée en véritable champ de bataille entre manifestants et forces de l’ordre.

 

Le sang a coulé, des blessés sont à déplorer. Des bâtiments publics ont été attaqués, certains pillés. Des voitures ont été incendiées. L’épicentre des violences a eu lieu dans le quartier pourtant ultrasécurisé du Plateau, en plein centre-ville, qui abrite le palais présidentiel, l’Assemblée nationale, les ministères, mais aussi les grandes banques et des missions diplomatiques, dont celle de la France. Du jamais vu sous la présidence Wade.

 

La journée du 23 juin restera dans les annales de l’histoire contemporaine du Sénégal. Elle a confirmé la puissance et la maturité de la société civile sénégalaise, dont la figure de proue, Alioune Tine, le patron de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), a été blessé lors des affrontements.

 

Un pays pas comme les autres

Sous la colonisation française, des Sénégalais ont envoyé leurs doléances aux Etats-généraux de Paris avant la Révolution, ont voté pour leurs représentants locaux et envoyé des députés à l’Assemblée nationale française. Une situation exceptionnelle dans les colonies.

 

C’est aujourd’hui un des très rares pays africains à n’avoir jamais connu de coup d’Etat depuis son indépendance, en 1960. Il n’a jamais été dirigé par un militaire, à l’inverse de tous ses voisins (Mauritanie, Mali, Guinée, Guinée-Bissau et Gambie), et il a été l’un des premiers à faire l’expérience du multipartisme —même si le nombre de partis était toutefois limité.

 

A l’indépendance, c’est un «poète-président», Léopold Sédar Senghor, qui a pris en main les destinées du Sénégal, et non un sous-officier peu instruit comme dans d’autres pays. Il a été un des rares leaders africains à quitter le pouvoir (en 1980) sans attendre une défaite électorale ou un putsch. Il est vrai qu’il en avait bien profité: 20 ans dans le fauteuil présidentiel !

 

Son successeur, Abdou Diouf, plus effacé, a mené la pirogue Sénégal à bon port malgré des vents contraires et une conjoncture économique défavorable, avant de laisser le pouvoir, au terme d’une alternance historique en 2000, à un bouillant avocat, opposant obstiné: Abdoulaye Wade, qui accède alors au pouvoir suprême à … 74 ans, l’âge où de nombreux chefs d’Etat prennent leur retraite.

 

En 2000, Abdoulaye Wade a été porté par la vague du «Sopi» (changement, en wolof), un ras-le-bol de la jeunesse après quarante années de socialisme à la sauce yassa. Toute la société civile, la presse privée, le soutenaient. Il était le sauveur; il avait promis un emploi à tout le monde.

 

Les Sénégalais, maîtres de leur histoire

Mais une réforme constitutionnelle permettant l’élection en février 2012 d’un «ticket présidentiel» —composé selon ses détracteurs d’Abdoulaye Wade et de son fils Karim— avec seulement 25% des suffrages (pour éviter un second tour toujours risqué), a été la goutte de bissap qui a fait déborder le vase.

 

Ce n’est pas l’opposition qui a été en pointe dans la contestation. Le Parti socialiste, dirigé par le peu charismatique Ousmane Tanor Dieng peine à soulever l’enthousiasme de la jeunesse. Les anciens Premiers ministres du président Wade, Idrissa Seck et Macky Sall, sont en retrait.

 

C’est bien le peuple, qui a pris la rue, poussant le régime à faire marche arrière. Aujourd’hui, la société civile sénégalaise a montré qu’elle était l’une des plus puissantes du continent et la plus influente de l’Afrique francophone au sud du Sahara.

 

Les Sénégalais ont au fil des années acquis un bien que personne, aucun dirigeant civil ou militaire ne pourra jamais leur enlever: la liberté de s’exprimer comme ils l’entendent. Ils sont maîtres de leur Histoire.

 

Il y a une presse écrite libre, des radios et télévisions privées qui s’expriment sans entrave, des sites Internet à la langue bien pendue… Cette liberté d’expression qui s’est encore accrue sous le régime Wade vaut tous les pétrodollars d’autres pays. C’est la véritable richesse du Sénégal, de son peuple.

 

Ses dirigeants ne pourront plus l’ignorer à l’avenir. Ils gouvernent un peuple de citoyens, et non un troupeau de moutons.

 

Source: Slate Afrique

 


 
 
posté le 24/06/11

Nouveau pouvoir ivoirien : Les vérités de Thabo MBeki

«Pourquoi les Nations Unies privilégient-elles les anciennes puissances coloniales sur notre continent ? », interroge l’ancien président Sud-africain Thabo Mbeki dans le présent article qu’il a à l’origine rédigé pour le Magazine Américain, Foreign Policy. Il affirme que le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies a pris l’étrange décision d’outrepasser son mandat en Côte d’Ivoire en se permettant de déclarer le vainqueur de l’élection présidentielle contrairement à sa mission telle que détaillée par le Conseil de Sécurité.


Ce fait place l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) au rang de ‘’faction’’ partisane dans le conflit Ivoirien contrairement à la neutralité pacificatrice dont elle était censée faire preuve. Les africains eux-mêmes peuvent et doivent s’engager résolument dans la résolution des crises sur le sol africain.

L’erreur du monde en Côte d’Ivoire

Le second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 en Côte d’Ivoire a opposé deux opposants historiques, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Pour cette raison et pour l’importance stratégique de l’élection, cette bataille électorale allait inévitablement sceller le sort à long terme du pays.

Toutes les parties concernées auraient dû réfléchir profondément à cette inexorable question critique : les élections de 2010 créeraient-elles les conditions qui établiraient la base du meilleur avenir possible pour le peuple ivoirien ? Hélas ! Cela n’a pas été le cas. Bien au contraire, il y a une communauté internationale qui martelait que seule la tenue d’élections démocratiques en Côte d’Ivoire serait le gage de la résolution de la crise que le pays traversait quand bien même les conditions minimales requises en vue de la bonne tenue d’un tel exercice étaient inexistantes.


Alors même qu’ils savaient cette proposition intrinsèquement illégitime, les Ivoiriens n’ont pas pu résister à cette pression internationale et ont organisé lesdites élections. Toutefois, la réalité objective était que les élections présidentielles telles que tenues en Côte d’Ivoire n’auraient jamais dû se tenir dans les conditions dans lesquelles elles se sont tenues. En réalité, elles portaient en elles les germes d’une exacerbation du conflit qu’elles étaient censées résoudre.

Pour mémoire, la Côte d’Ivoire a été déchirée en 2002 par une rébellion qui a coupé le pays en deux parties : une partie nord contrôlée par les forces rebelles regroupés au sein des Forces Nouvelles acquises à la cause de Alassane Ouattara et une partie sud aux mains du gouvernement dirigé par Laurent Gbagbo. Depuis lors, la Cote d’Ivoire s’est retrouvée avec deux gouvernements, deux administrations, deux armées, et deux leaders ‘’nationaux’’.


Toute élection tenue dans des circonstances similaires ne peut qu’envenimer inévitablement la division de la société et aiguiser les tensions sociales nées et exacerbées du fait de la rébellion de 2002.

Les causes structurelles de la rébellion de 2002 trouvent leur fondement dans des questions sensibles dont des tensions transnationales affectant particulièrement la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, des antagonismes ethniques et religieuses en Côte d’Ivoire, le partage du pouvoir politique ainsi que l’accès au pouvoir et aux opportunités économiques et sociales.

Les griefs

La communauté internationale n’a pas su, dans un tel contexte, apprécié à leur juste valeur des critiques portant sur plusieurs allégations explosives qui, à tort ou à raison, ont alimenté et continuent d’alimenter les opinions forgées par les populations en faveur de Gbagbo dans le sud de la Côte d’Ivoire ainsi que par une forte majorité de l’Afrique francophone.

 

Il s’agit en l’occurrence d’assertions selon lesquelles Ouattara est un étranger né au Burkina Faso ; qu’il est avec le président Burkinabé Blaise Compaoré responsable de la rébellion de 2002 ; que son accession au pouvoir aboutirait à une prise d’assaut du pays particulièrement par les étrangers Burkinabé ; et que historiquement, à ce jour, il s’est toujours disposé à faire la part belle aux intérêts français en Côte d’Ivoire.

Ayant mis tous ces éléments dans la balance, l’Union Africaine (UA) a bien compris qu’un accord négocié entre les deux factions ivoiriennes belligérantes s’avérait nécessaire pour une solution durable à la crise ivoirienne sur la base des questions interdépendantes de démocratie, de paix, d’unité et de réconciliation nationale.

Ainsi, de négociations en négociations depuis 2002, les ivoiriens se sont résolus à assujettir la tenue de l’élection présidentielle aux conditions fixées. Au nombre desdites conditions figurent en toile de fond la question de la réunification du pays, le redéploiement de l’administration nationale sur toute l’étendue du territoire ivoirien ainsi que le désarmement des rebelles et de toutes les milices, suivi de leur intégration dans le creuset sécuritaire national dont le dernier processus devrait être achevé au moins deux mois avant la tenue de ladite élection présidentielle.

Malgré le fait que la moindre de ces conditions n’ait été réunie, les élections présidentielles se sont tenues. Finalement, Alassane Ouattara a été installé président de la Côte d’Ivoire. Gbagbo et son épouse Simone en sont sortis prisonniers humiliés.

Cette crise s’est surtout soldée par la mort de beaucoup d’ivoiriens ; les plus chanceux ont été déplacés, la plupart des infrastructures détruites et les animosités historiques exacerbées.

Ce qui a provoqué le désastre

Il faut attribuer à une telle fin à de nombreux non événements. Les accords relatifs à ce qui devrait se faire en vue de créer les conditions d’élections libres et justes ont été volontairement et dédaigneusement ignorées.

Le Conseil Constitutionnel Ivoirien (CC) est constitutionnellement le seul organe habilité à valider le résultat et donc à proclamer le vainqueur de toute élection et à installer le président, la Commission Electorale Indépendante (CEI) n’ayant pour mandat que de faire suivre les résultats provisoires au Conseil Constitutionnel.

Cependant, ceux-là mêmes qui insistent sur l’inviolabilité des lois en tant que fondamental à toute pratique démocratique ont été illégalement choisis pour certifier les résultats provisoires annoncés à titre personnel par le président de la CEI comme résultats authentiques et définitifs de l’élection présidentielle.

Comme le lui permettait la loi, Gbagbo a contesté la transparence des élections dans certains endroits en particulier dans le nord du pays. Le CC a, à tort ou à raison, admis la majorité des plaintes formulées par Gbagbo, identifié d’autres ‘’irrégularités’’, annulé le vote dans certaines régions et déclaré Gbagbo vainqueur.

Le président de la CEI n’a pas tenu compte des irrégularités relevées et a décidé de manière unilatérale que le véritable vainqueur était Ouattara.

L’envoyé du Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-moon, son compatriote Sud-coréen Young-jin Choi, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies (RSSGNU) a également annoncé publiquement la victoire de Ouattara, mais sur la base d’un nombre de voix moindre que celui annoncé par la CEI, après avoir jugé recevables certaines des plaintes formulées par Gbagbo.

Concernant les voix obtenues par les deux candidats, la CEI, le CC et le RSSGNU ont fait trois déterminations différentes.

Selon Gbagbo, en vue de la résolution de cette crise qui conditionne la légitimation de l’expression de la volonté des ivoiriens, il fallait mettre en place une commission internationale en vue de vérifier les résultats des élections avec cette condition sine qua non préalable que aussi bien lui que Ouattara accepterait les conclusions de ladite commission.

 

Cette proposition a été rejetée par la communauté internationale en dépit du fait qu’elle aurait résolu ce litige électoral sans qu’il ait été nécessaire de recourir à la guerre et en dépit du fait que certains observateurs internationaux ont émis des doutes quant à la transparence des élections en particulier dans la partie nord de la Côte d’Ivoire.

A titre d’exemple, en se prononçant sur l’organisation des élections dans le nord du pays, la mission d’observation de l’UA conduite par l’ancien premier ministre togolais Joseph Kokou Kofigoh, la Société civile africaine pour la démocratie et l’assistance sociale conduite par la sénégalaise Seynabou Indieguene et la Coordination des Experts Africains en Election (CAEE) du Cameroun, du Sénégal, du Bénin, du Mali, du Maroc, du Gabon et du Togo conduite par le Camerounais Jean Marie Ongjibangte ont tous tiré la sonnette d’alarme au sujet des élections telles qu’elles se sont tenues dans le nord de la Côte d’Ivoire.

 

La CAEE s’est par exemple exprimée en ces termes : ‘’Après avoir échangé des informations avec d’autres observateurs nationaux et internationaux, nous affirmons par la présente que le second tour des élections présidentielles en Côte d’Ivoire a été émaillé de problèmes graves dans certaines régions, en particulier celles du nord…

‘’Ces problèmes sont relatifs à des vols d’urnes, à l’arrestation des représentants des candidats, à des votes multiples, au refus d’accepter la supervision du décompte des voix par les observateurs internationaux et à l’assassinat des représentants des candidats. Eu égard à tous ces faits, nous déclarons par la présente que le second tour des élections n’a été ni libre, ni juste encore moins transparente dans ces localités du nord.’’
Le rapport de la Cedeao non rendu !

La mission d’observation de l’élection pour le compte de la Cedeao n’a pas, pour sa part, à ce jour, publié son rapport sur le second tour des élections présidentielles en Côte d’Ivoire ! Pourquoi ? La commission internationale indépendante proposée par Laurent Gbagbo aurait dû être mise en place et habilitée à l’effet de prendre une mesure définitive et contraignante sur ce qui s’était passé. Le temps nous dira pourquoi cela n’a pas été fait !

Qui plus est, le RSSGNU a pris la résolution pour le moins étrange d’outrepasser son mandat en déclarant le vainqueur de l’élection, à contrario de ses attributions telles que fixées par le Conseil de Sécurité. Ce fait, au risque de nous répéter, place l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) au rang de ‘’faction’’ partisane dans le conflit Ivoirien contrairement à la neutralité pacificatrice dont elle était censée faire preuve à équidistance des parties en situation de belligérance. Dès lors, l’ONUCI n’avait plus d’autre choix que d’œuvrer activement à l’installation de Ouattara comme président du pays et partant, au départ de Gbagbo.

C’est cela qui, en dernier ressort, justifie l’usage éhonté par l’ONUCI de son potentiel militaire pour ouvrir la voie aux Forces Nouvelles qui ont ainsi vaincu les forces de Gbagbo et ont réussi à le capturer sous l’impudique prétexte qu’elles agissaient dans le sens de la protection des civils.

Alors même qu’elle avait obligation de faire prévaloir son mandat de pacificateur qui consistait en un maintien à égales distances des forces belligérantes, l’ONUCI n’a engagé aucune action pour stopper l’avancée des Forces Nouvelles depuis le nord du pays jusqu’au sud à Abidjan.

Ni l’ONUCI encore moins la Force française Licorne, conformément au mandat à elles fixées par les Nations Unies, n’ont aucunement protégé les populations civiles dans la région de Duékoué, où, à l’évidence, le plus grand massacre de civils a eu lieu !

Cela n’est pas sans rappeler l’échec des Nations Unies à mettre fin aux meurtres et abus les plus catastrophiques qui ont été perpétrés dans l’est de la République Démocratique du Congo.

Des conclusions indiscutables

La réalité ivoirienne soulève un certain nombre de conclusions indiscutables. Les conditions convenues en vue de la tenue d’élections démocratiques en Côte d’Ivoire n’ont en aucune mesure été mises en place.

La communauté internationale a refusé de procéder à la vérification du processus électoral et a proclamé les résultats, ce, en dépit des fortes allégations de fraude électorale. Une telle attitude laisse sans réponse la question cruciale du véritable vainqueur des élections, ce que Ouattara aurait dû faire.


Usant de sa place de choix au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la France a réussi à s’assigner un important rôle dans la détermination de l’avenir de la Côte d’Ivoire, son ancienne colonie au sein de laquelle elle détient, entre autres, de prestigieux intérêts économiques. Elle s’est jointe aux Nations Unies en vue de s’assurer que Ouattara sorte victorieux du conflit Ivoirien.

 

Cela ne fait que justifier les intérêts nationalistes de la France en rapport avec sa politique de Françafrique dont l’objectif est de perpétuer une relation particulière avec ses colonies africaines. L’ancien président français François Mitterrand ne disait pas autre chose, lui qui affirmait : « La France n’aura pas d’histoire au 21e siècle sans l’Afrique », toute chose qu’a confirmé l’ancien ministre français Jacques Godfrain lorsqu’il affirmait « Un petit pays (la France) avec juste un peu de force, nous pouvons faire bouger toute une planète grâce à nos relations avec 15 ou 20 pays africains…’’

L’UA n’est pas non plus sans reproche dans la mesure où elle a failli dans son objectif de persuasion de tous les acteurs à œuvrer en faveur de la réconciliation et partant, d’une paix durable entre ivoiriens.

Aussi tragique qu’ils ont été, les événements survenus en Côte d’Ivoire creusent davantage le fossé béant du conflit endémique qui sévit dans le pays. Cela se doit au fait que le pays a fait confiance à la rébellion manquée de 2002 en lui confiant le pouvoir de décider du futur du pays alors que la situation objective imposait et impose que le peuple ivoirien, dans toutes ses composantes, s’engage dans la détermination de leur destin commun.


Gbagbo, au cours de la décennie durant laquelle il a dirigé la Côte d’Ivoire en tant que président, n’avait eu aucune possibilité d’agir comme de raison pour réunifier le pays et le réconcilier à travers toutes ses composantes en dépit de l’existence d’accords négociés dans ce sens. En dirigeant lui aussi la Côte d’Ivoire en tant que président, Ouattara ne pourra point atteindre ces objectifs, comme de raison, en dehors du cadre d’un accord honnête, sérieux, conclu avec les sections de la population ivoirienne représentée par Gbagbo.


Ce qui devait arriver a été prédit par l’ambassadeur des Etats Unis en Côte d’Ivoire d’alors, Wanda L. Nesbit qui en juillet 2009 conseillait le gouvernement américain en ces termes :
«Il ressort à présent que l’accord de Ouaga IV, (le quatrième accord appelé Accord Politique de Ouagadougou qui prescrivait que le désarmement doit précéder les élections) est fondamentalement un accord entre Blaise Compaoré (Président du Burkina Faso) et Laurent Gbagbo en vue de partager le contrôle du nord jusqu’au lendemain de l’élection présidentielle en dépit du fait que le texte en appelle aux Forces Nouvelles de restituer le contrôle du nord du pays au gouvernement et d’achever le désarmement deux mois avant la tenue des élections…

« Mais en attendant la création d’une nouvelle armée nationale, les 5 000 soldats des Forces Nouvelles qui doivent être ‘’désarmés’’ et regroupés dans des casernes dans quatre villes clés du nord et de l’ouest du pays représentent une sérieuse force militaire que les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN) ont l’intention de maintenir bien formée et en réserve jusqu’au lendemain de l’élection. La cession du pouvoir administratif des FAFN aux autorités du gouvernement civil est une condition sine qua non pour les élections, mais comme le confirment des voyageurs dans le nord (y compris le personnel de l’ambassade), les FAFN maintiennent un contrôle absolu de la région en particulier en ce qui concerne les finances.»

Les victimes

Le fait que les ‘’conditions préalables à l’organisation des élections’’ n’aient pas pu être mises en place augurait de sa finalité. Le ‘’contrôle’’ du nord par les forces rebelles dont a fait mention l’ambassadeur Nesbitt préfigurait l’issue des élections présidentielles de 2010.


Similairement, il a été fait usage de la ‘’puissance militaire’’ de la rébellion, que l’ambassadeur Nesbitt a mentionnée, pour asseoir la victoire de Ouattara en tant que président de la Côte d’Ivoire. C’est donc à juste titre qu’au plus fort de la crise postélectorale, Laurent Gbagbo s’est écrié : «On m’a trahi!» En fin de compte, cette crise a fait un grand nombre de victimes. Il y a en premier chef l’Union Africaine.

 

Les événements tragiques survenus en Côte d’Ivoire ont confirmé la marginalisation de cette Union quant à son aptitude à venir à bout des plus grands défis auxquels l’Afrique se trouve aujourd’hui confrontée. Bien au contraire, l’UA a ainsi plutôt légitimé l’intervention et l’aptitude de ces grandes puissances à relever lesdits défis en faisant usage de leurs différentes forces militaires pour légitimer leurs actions de persuasion des Nations Unies à autoriser leurs propres interventions égoïstes en Afrique.


L’Organisation des Nations Unies est également une autre victime. Elle a irrémédiablement sapé son autorité en tant que force neutre dans la résolution des conflits internes tels que celui qui vient de se dérouler en Côte d’Ivoire. Il est à présent difficile pour l’ONU de convaincre l’Afrique et le reste du monde en développement qu’elle n’est pas un simple instrument à la solde des grandes puissances du monde.

 

Cela a confirmé l’urgence de la nécessité d’une restructuration de cette organisation sur la base du point de vue selon lequel dans sa structuration actuelle, l’ONU n’a aucun pouvoir pour agir en tant que véritable représentant démocratique de ses états membres.

Ainsi, les événements survenus en Côte d’Ivoire pourraient, de plusieurs manières, servir de base pour ce qui est de l’urgente nécessité de redéfinition du système des relations internationales.

Par leurs agissements, les grandes puissances ont mis à nue la triste réalité de l’équilibre et de l’abus de pouvoir en période post-Guerre froide et ont fait leur la thèse fictive selon laquelle elles respectent l’autorité de la loi dans la conduite des relations internationales, même telles que définies par la charte des Nations Unies, et que, en tant que démocrates, elles respectent les points de vue des peuples du monde.

Il faut seulement espérer que Laurent Gbagbo et le peuple ivoirien ne continuent pas de payer le lourd tribut d’abusés et de victimes d’un système global qui, dans la quête de ses intérêts, tout en criant haut et fort les droits universels de l’homme, ne cherche en réalité qu’à perpétuer la domination de la masse par un groupuscule qui a à disposition la prépondérance du pouvoir politique, économique, militaire ainsi que le pouvoir des média.

Les événements pervers et venimeux qui ont affligé la Côte d’Ivoire posent là cette question pressante: Combien de cas flagrants d’abus de pouvoir l’Afrique et les autres pays en développement du monde devront-ils encore subir avant l’avènement d’un véritable système démocratique de gouvernance globale ?

Soure: Magazine NewAfrican/Le Temps

 


 
 
 

Ajouter un commentaire

Pseudo : Réserve ton pseudo ici
Email :
Site :
Commentaire :

Smileys

 
 
 
Rappel article